Dark Light

The KooksCes petits prodiges de Brighton savent comment nous recharger les batteries via une pop racée et bondissante. Ils ont le crédit de la jeunesse, celle qui fit la gloire autrefois de Supergrass et The Jam.

Bordel ! Tirons la sonnette d’alarme et prévenons d’emblée avant que l’incendie ne se propage à toute vitesse : The Kooks vous file un sacré coup de vieux dans la gueule ! Avec même pas 19 ans d’âge moyen au compteur, ce quatuor incarne aux côtés de The Subways et The Artic Monkeys la nouvelle garde du rock britannique juvénile et insouciante. Et il est fort à parier que cette bande de morveux va infliger quelques rides à la concurrence tant leur baptême du feu, le retournant Inside In/Inside Out, déborde de mélodies accrocheuses.

Toutefois, à la différence de la pop survitaminée mais un brin limitée des Subways, The Kooks possède d’autres cordes à son arc. Luke Pritchard (chanteur, 19 ans) et Hugh Harris, (guitariste, 17 ans !) ont déjà assimilé une somme d’influences solide : le raffinement britpop, le punk mod habillé The Jam, mais aussi les accents dub des Specials et le sens du groove à la Funkadelic. Une adaptation qui dénote, tandis que d’autres camarades d’école s’empêtrent dans un post-rock déprimant et sans saveur ou bien s’emmêlent les pieds avec leur pédale d’effet Delay estampillé 80’s. Et lorsqu’on apprend que ces garnements nous viennent de Brighton, la ville la plus branchée d’Angleterre, on n’est finalement pas très étonné.

Le son des Kooks est à la fois brut et revigorant, comme une claque lancée sur la joue qui nous réchaufferait par grand froid : des guitares tordantes, une rythmique bondissante plutôt contagieuse servie par un romantisme typiquement insulaire. Comme chez The Coral, ils assument entièrement leur parti pris de bâtir une pop dénuée d’accords déprimants, préférant se concentrer sur des refrains vigoureux et exigeants, sans pour autant verser dans la niaiserie. Nos jeunes loufoques parlent de choses de leur âge, de béguin pas vraiment réciproque, de petits seins et de problèmes d’érection (leur sympathique hymne “Eddie’s Gun”) et de cette naïveté assumée qui fait tant leur charme.

Ce serait peut-être un peu trop tôt pour crier au génie, mais il plane chez The Kooks cette odeur de parfum volatil qui ne tient que le temps d’un premier album : l’insouciance du premier Supergrass, le romantisme brûlant du “This Charming Man” des Smiths, les audaces mélodiques du High land Hard Rain d’Atzec Camera, le sens direct des La’s, la “Teenage Kicks” attitude des Undertones… ces plaisirs captés dans l’instant et si durs à réitérer.

Cela démarre subtilement avec une promenade manquée au bord de mer, “Seaside”, une pop song acoustique intimiste et naïve comme on en entend rarement ces temps-ci. La fougue resplendissante des Rickenbacker, qui reprennent ensuite leur droits le temps de trois titres hargneux : “Eddie’s Gun”, “See The World” et le notable “Sofa Song”, qui aurait pu être gargarisé par Morrissey du temps où ces jeunots n’étaient même pas encore nés. Le tempo ne ralentit pas, mais le rythme devient parfois plus syncopé sur certains titres empruntés aux Specials, comme “Matchbox” et “Time Awaits”. Ce groupe sait aussi insuffler du groove sur ses couplets avant de lâcher un refrain avec panache (“Naive”, “Ooh La”).

Superbement produit par Tony Hoffer (Supergrass, Belle & Sebastian), ces quatorze titres offrent assez de rebondissements pour tenir en haleine jusqu’au bout. Quant à l’avenir, The Kooks ont désormais de sérieuses prédispositions pour atteindre un maximum d’oreilles, cette même aptitude décelée chez Richard Ashcroft et Noel Ghallagher à jeter en pâture quelques singles désarmants de simplicité.

Re : Bordel, et dire qu’ils ont commencé à répéter sur “Reptilia” des Strokes, l’horloge du temps tourne trop vite. Non vraiment, c’est dur.

(article écrit par Paul-Ramone, le 29 janvier 2006 pour pinkushion.com)

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